Depuis le déconfinement, les cabinets et les cliniques d’esthétiques ne désemplissent pas ! La clinique des Champs Élysées, la plus importante d’Europe, affiche ainsi une croissance d’environ 30% par rapport à la même période l’année dernière.
Aurélie Cerffond, journaliste au magazine « Welcome to the Jungle », a interviewé Tracy Cohen – Sayag sur ce boom de la chirurgie esthétique que les professionnels du secteur n’avaient pas vu venir.
Un engouement impressionnant
Dès le 11 mai, à la sortie du confinement, le téléphone n’a pas arrêté de sonner chez les chirurgiens esthétiques. Au-delà des opérations qui ont dû être reprogrammées, les praticiens reçoivent énormément de nouveaux patients. Tracy Cohen Sayag, la directrice de la clinique des Champs-Elysées, confirme cette hausse de la demande : « Cette recrudescence d’activité a perduré jusqu’à aujourd’hui. Structurellement, on connaît une augmentation des interventions d’environ 30% à la clinique. Le planning est plein ! »
Mais pour quels types d’interventions ?
Parmi les nouvelles demandes, il y a bien sûr des opérations de chirurgie esthétique classiques comme des rhinoplasties, des liftings ou encore des prothèses mammaires, mais aussi énormément de gestes de médecine esthétique (injections de botox, fils crantés, peeling, etc.). « Des petits gestes pour lesquels il n’y a pas de risques pour les patients » nous dit Tracy Cohen – Sayag qui confirme qu’à la clinique des Champs-Elysées, ces traitements représentent le plus gros de l’activité : « En moyenne, on fait environ 500 interventions par mois en chirurgie esthétique mais jusqu’à 7000 traitements en médecine esthétique ! » Un ordre de grandeur sans équivoque, avec une attention toute particulière donnée au visage, car c’est bien ce dernier qui a été particulièrement exposé via nos écrans ces derniers mois.
L’écran, un miroir déformant
« Une fois sur deux, les nouveaux patients de la clinique invoquent la vidéo en visioconférence comme déclencheur du passage à l’acte » commente Tracy Cohen – Sayag. Depuis que le télétravail s’est imposé, on reste connecté de longues heures sur les outils de visioconférence et notre regard sur nous-même a changé : « Désormais, on voit notre visage pendant les réunions, et on se voit interagir. C’est plus fort que nous, obligatoirement on se regarde et parfois cela nous met face à des défauts qu’on a envie de corriger, comme des rides sur le front ou une bosse sur le nez par exemple » précise la directrice de la clinique.
Elle explique : « Si bien souvent l’envie d’avoir recours à des interventions esthétiques était déjà présente chez ces patients, l’image que leur renvoie leur écran d’ordinateur est souvent le déclencheur du passage à l’acte. »
C’est ce que l’on appelle le « Zoom face envy » : De nombreux patients ne sont pas satisfaits ce qu’ils voient sur leurs écrans et veulent améliorer leur apparence avant de retourner sur leur lieu de travail.
Notre écran serait ainsi notre nouveau miroir, mais un miroir déformant, qui peut être à l’origine de dysmorphie. Car le résultat de notre image en visioconférence dépend de plusieurs facteurs comme la qualité de la caméra, l’angle dans lequel on est positionné ou encore l’éclairage. Des caractéristiques techniques qui peuvent desservir notre physique et ne pas forcément refléter l’aspect réel de notre visage.
De l’importance de se démarquer en visio
Qu’importe la distance, les télétravailleurs continuent de vouloir apparaître sous leur meilleur jour devant leurs collègues. La concurrence entre collaborateurs n’a pas cessé avec la pandémie, surtout pour les femmes, davantage jugées sur leur physique au travail.
« Il faut paraître jeune et en forme pour donner une image dynamique. D’autant plus que lors des réunions en visioconférence, les visages des participants sont affichés côte à côte, ce qui facilite une comparaison encore plus directe entre collègues » souligne Tracy Cohen – Sayag avant d’ajouter : « Pour beaucoup, ce n’est pas parce qu’on est en télétravail, qu’on va faire sa visio sans maquillage et en pyjama. Au contraire, c’est peut-être le seul moment où on ne porte pas de masque, c’est l’occasion de se mettre en avant. »
De nouveaux adeptes aux soins esthétiques
La directrice de la clinique des Champs-Elysées a ainsi constaté l’afflux d’un nouveau profil de patients : « Des femmes de 35-40 ans issues d’une génération qui n’est pas aussi habituée à son image sur écran que les femmes de moins de 35 ans. Ces dernières, très connectées à leur smartphone, n’ont aucun problème à venir à la clinique pour corriger leurs petits défauts. » Mais aussi des hommes, qui, bien que moins nombreux à passer sous le bistouri, représentent tout de même 30% des interventions effectuées à la clinique des Champs-Elysées. Beaucoup de leurs demandes sont liées au regard. « La plupart des hommes ne se maquillent pas ou peu. Et en vieillissant, les cernes donnent un air fatigué, accentué à l’écran. Certains patients me disent : On a l’impression que je ne suis pas réveillé. » Ils succombent alors aux injections de botox ou aux opérations pour combler le creux des cernes. Mais pas que, il y a aussi le sujet sensible des cheveux : « À l’écran, certains hommes ont remarqué une perte de densité capillaire, et viennent consulter pour des greffes de cheveux. »
Le télétravail et les gestes barrières, les alliés de la cicatrisation
Avec le télétravail, un autre frein est levé, celui de la convalescence. « Personne n’a envie d’être vu avec une gaine, un bleu ou un pansement au travail ! », nous lance Tracy Cohen – Sayag. D’autant que l’on n’a pas forcément envie que nos collègues commentent et jugent nos opérations de chirurgie esthétique. Si avant, il fallait poser une semaine de congés pour pouvoir cicatriser à l’abri des regards, en travaillant de chez soi, la question ne se pose plus. Même pour les travailleurs qui sont sur site, le port du masque au bureau et la distanciation sociale permettent de passer à l’acte en toute discrétion.
Un surplus d’argent et l’envie de prendre soin de soi
Le confinement, puis la généralisation du télétravail, ont créé un désert social : on ne voyage plus, on ne sort plus… On bénéficie d’un budget supplémentaire que les patients ont envie d’allouer à actes esthétiques qui leur apportent une meilleure estime de soi. Il y a un vrai besoin de prendre soin de soi dans un contexte de crise anxiogène.
Un phénomène passager ou durable ?
Phénomène encore récent, il est difficile de savoir si cette tendance va se confirmer ou s’essouffler. Pour le président de la SOFCEP, il s’agit d’une tendance réactionnelle, due à la période particulière que nous vivons. Il pense que l’activité va se réguler dans les mois qui viennent. Alors que pour la directrice de la clinique des Champs Elysées, cette tendance est bien structurelle, d’autant qu’après l’effet Zoom, elle remarque l’influence de l’effet masque qui boostent les interventions liées au regard (plus de 50% de procédures esthétiques enregistrées par rapport à la même période l’année dernière).
Accepter ses défauts, l’autre tendance
La recherche de l’authenticité est l’autre tendance apparue pendant le confinement, et également favorisée par l’essor du télétravail. Nombreuses sont les femmes qui ont pris la parole sur les réseaux sociaux pour manifester leurs volontés de s’affranchir des diktats des codes de la beauté normée au travail.
Pour Tracy Cohen – Sayag, l’un n’empêche pas l’autre : « On peut très bien s’accepter tel que l’on est ou bien décider de corriger un défaut qui nous dérange en passant par des soins esthétiques. Dans les deux cas, le plus important c’est d’être bien dans ses baskets. »