En quelques années, la promesse de beauté s’est démocratisée. A Paris, la Clinique des Champs-Elysées a accepté de nous ouvrir ses portes. 500 patients viennent se faire opérer ici chaque mois. 50 chirurgiens se relaient en permanence. C’est la plus grande clinique esthétique d’Europe. 15 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2019. En huit ans, le nombre de jeunes a décollé, ils sont 5x plus nombreux qu’avant. Ils représentent la moitié des patients.
Le Dr. Patrick Baraf, le doyen de la clinique, 9000 liftings et 4500 poitrines à son actif a dû s’adapter aux désirs de cette nouvelle patientèle en quête de volume. « Il y a une augmentation importante du volume des fesses. Vous avez Jennifer Lopez, vous avez Kim Kardashian et elles veulent ressembler à ça alors qu’il y a 20 ans, il fallait avoir les fesses étroites et le bassin étroit. Donc, il y a une grande demande qui est artificiellement créée. »
Mais savamment captée par la clinique des Champs-Elysées. A à la tête de l’établissement, Tracy Cohen – Sayag, 33 ans, a su saisir la tendance, séduire ces 18 – 34 ans comme personne. Elle a surtout misé sur la médecine esthétique, plus légère que la chirurgie et donc très prisée des jeunes. Injections, peelings, lasers, comme cette nouvelle machine arrivée de Corée, promesse d’une peau parfaite et lisse.
« Si vous essayez les filtres sur Instagram, sur Snapchat, sur tout type de réseaux sociaux qui existent, vous voyez qu’il y a une sorte de voile qui se place sur le visage et qui fait qu’on aune texture d’un coup complètement uniforme. Tous les jeunes qui utilisent fréquemment ces filtres, ils viennent en disant, voilà je veux la même chose. Ça, on ne peut pas, il faut être honnête, on ne peut pas arriver à une peau 100% filtrée sans filtre, enfin pas encore aujourd’hui. Par contre, on peut nettement améliorer la qualité de la peau. C’est pour ça que cette machine est là aujourd’hui. La séance coûte 300 euros et il en faut trois pour de bons résultats. Fidéliser une clientèle dès son plus jeune âge, une stratégie gagnante.
En quatre ans, le chiffre d’affaires de la clinique des Champs-Elysées a grimpé de 50%. Un succès qui fait la fierté de son père, Michel Cohen. Il a fondé la clinique il y a trente ans mais, désormais, c’est aussi elle la boss. « Elle est l’air du temps, elle fait même partie des acteurs qui font évoluer cet air du temps. C’est ce côté-là que j’admire chez elle. » En 2011, lorsque le parrain de la chirurgie passe la main, l’établissement est au bord de la faillite. Des études de finance, une expérience chez Rothschild, la jeune femme relance l’entreprise familiale. « L’évolution, c’est qu’avant on cachait sa chirurgie, c’est-à-dire que c’était tabou, on n’en parlait pas ou la femme ne le disait pas à son mari, ou le couple ne voulait pas que les gens sachent. C’était vécu vraiment quelque chose que l’on faisait en cachette, en catimini. Et vous vous apercevez aujourd’hui que c’est presque devenu l’inverse. Les gens assument la médecine et chirurgie esthétique. »
Aujourd’hui, la moitié de la patientèle de la clinique a moins de 35 ans. Un miracle qui ne doit rien au hasard. Le secret de la directrice pour attirer les jeunes se cache dans une petite pièce. Deux salariées à plein temps qui fabriquent des vidéos pour les réseaux sociaux de la clinique.
En France, la publicité dans le domaine médical est formellement interdite. Alors, la clinique utilise d’autres moyens. Photos avant / après, témoignages de patients forcément heureux. Avec son compte Instagram suivi par près de 80.000 abonnés, la patronne ne fait, selon elle, qu’informer.
« Ça été ma seule façon de dire qu’on existe. Il y a des cliniques européennes, étrangères qui communiquent, qui font de la publicité. On en entend parler mais les cliniques françaises n’ont pas le droit de se faire connaître. A un certain moment, il faut toujours essayer de savoir, voilà comment dire qu’on existe. On a quelqu’un qui vient, qui est très content de partager son traitement. Et puis quand ces personnalités ont pas mal d’influence, ça va trois plus vite. On atteint 100.000, 200.000, 1 million, 4 millions, 5 millions de personnes en 24 heures. »
Depuis le succès de ce compte et de ces vidéos, les rendez-vous en médecine esthétique ont explosé, multiplié par trois car la clinique s’appuie sur les témoignages de ses patients connus, mannequins ou influenceuses.
Démonstration avec Anna Romao. A 31 ans, cette brésilienne tient un blog Mode & beauté. Elle compte 119.000 abonnés. Depuis un an et demi, l’influenceuse a régulièrement recours à la médecine esthétique. Cette habituée vient à la clinique des Champs-Elysées une à deux fois par mois. A chaque rendez-vous, Anna dégaine son téléphone et filme la séance. Des images qu’elle diffuse à ses abonnés en citant l’établissement. En échange, Anna paie son soin moins cher, une ristourne dont nous ne connaîtrons pas le montant. Ce deal offre à la clinique de la publicité sans déroger à la loi.
Les petits selfies entre copines, un geste banal mais diablement efficace car la force des influenceurs, c’est de chuchoter dans l’oreille de leur communauté. L’influence numérique dépasse largement la publicité traditionnelle. Qu’elles soient issues de la téléréalité, anciennes « Miss France » ou créatrices de chaînes Youtube, les influenceuses gagnent de l’argent grâce au placement de produits. Pour les marques, ce qui compte, c’est leur taux de conversion : pour les meilleurs influenceurs entre 1,4 et 1,8% des personnes ciblées par la publication qui vont concrétiser un achat.
Et ces influenceurs qui parlent aujourd’hui sans tabou de médecine et de chirurgie entraînent dans leur sillage leurs jeunes abonnés.