Connaissez-vous Suzanne Noël la pionnière de la chirurgie esthétique ?
Le 8 mars est la Journée Internationale des Femmes. C'est l’occasion de mettre à l'honneur des personnalités méconnues qui ont ouvert à la voie à toutes les autres femmes. Ainsi, Suzanne Noël. Son nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, la chirurgie esthétique et le féminisme lui doivent beaucoup.
Un destin exceptionnel
Née en 1878 dans une famille bourgeoise de Laon, dans l’Aisne, Suzanne Noël passe son baccalauréat et s’inscrit à la faculté de médecine, un milieu alors fréquenté uniquement par les hommes.
Hippolyte Morestin, un professeur de renom, la prend sous son aile. A ses côtés, elle apprend les rudiments de la chirurgie maxillo-faciale, répare les cicatrices et se lance dans des interventions esthétiques plus audacieuses.
En 1912, elle rencontre la célèbre actrice Sarah Bernhardt qui va devenir sa première patiente. « Une de nos grandes artistes revint d’Amérique et tous les journaux racontèrent comment, à la suite d’une opération pratiquée dans le cuir chevelu, elle avait retrouvé une jeunesse surprenante. Ce récit me frappa beaucoup et, sur mon propre visage, j’essayais avec les doigts de pincer la peau en différents sens pour en rectifier les plis. Je fus étonnée des résultats.»
« Ainsi renseignée, j’allais trouver l’artiste en question. Elle me reçut d’une façon charmante, m’expliqua ce qui lui avait été fait aux Etats-Unis. Il lui avait été prélevé, dans le cuir chevelu, une simple bande, allant d’une oreille à l’autre. Si le résultat avait été assez efficace pour le haut de la face en atténuant les rides du front et en effaçant les pattes d’oie, il n’avait en rien modifié le bas du visage. Je dois dire qu’elle fut l’un de mes premières clientes. »
Lorsque la Première Guerre Mondiale éclate, elle exerce à l’hôpital du Val-de-Grâce. De jeunes soldats reviennent du front le visage blessé, mutilés. Ils sont désemparés, méconnaissables. Suzanne Noël reconstruit et redonne un visage humain à ces « Gueules cassées ».
Une carrière de chirurgienne plasticienne en solo
En 1918, elle ouvre son cabinet de chirurgie. Dans un premier temps, elle pratique une petite chirurgie, spécialisation de la dermatologie esthétique. Suzanne noël joue sur l’élasticité de la peau, pratique par petites touches successives et fait revenir ses patients jusqu’à huit fois de suite, m ais ne se livre, à chaque fois, qu’à une intervention limitée. Il existe ainsi une surprenante photographie d’une femme qui vient d’être opérée, se recoiffe, met son chapeau et boit une tasse de café avant d’aller dîner en ville !
Lorsqu’elle acquiert une plus grande sûreté de main, elle pratique une chirurgie beaucoup plus lourde. Elle ne s’intéresse plus seulement au lifting du visage, mais entreprend le remodelage des seins, des fesses, des cuisses, elle pratique des dégraissages de l’abdomen, des jambes. Il y eut quelques complications, mais ces dégraissages sont repris aujourd’hui avec de nouvelles techniques de lipoaspiration. L’idée de Suzanne Noël était la bonne mais les méthodes opératoires de l’époque ne suivaient pas encore.
Elle inventa aussi de nombreux instruments, des pinces, un crâniomètre et des gabarits, véritables patrons d’essai permettant au patient de choisir sa nouvelle image.
Les patientes affluent. Les femmes riches, notamment. Elle pense aussi aux moins aisées. Elle fait payer les plus riches pour s’occuper gratuitement de celles qui ne peuvent pas financer leurs soins. Certaine que les codes la beauté se libèrent, elle veut donner le droit à chacune de refuser « une physionomie ingrate, un corps disgracieux et de se choisir librement ».
Le combat pour l’émancipation des femmes
Parallèlement à son activité de chirurgienne plasticienne, Suzanne Noël milite en faveur de la libération des femmes. Un Américain, Stuart Morrow, la contacte pour créer la branche française du club « Soroptimist », un club de solidarité féminine à l’image du « Rotary-Club ».
« Les difficultés ne manquaient pas. D’abord l’idée de club, inconnue en France, pour les femmes … puis nous avions contre nous nos propres maris qui voyaient d’un fort mauvais œil des déjeuners hebdomadaires au restaurant sans leur présence, alors qu’ils restaient à la maison. Il faut penser qu’en 1924, les femmes n’avaient encore aucune liberté personnelle, et celles qui poussaient à ces libérations étaient l’objet de la risée et appelées suffragettes. J’étais une des plus visées, portant sur mon chapeau un ruban sur lequel était imprimé en lettres dorées : Je veux voter. Je m’étais en outre spécialisée dans la chirurgie plastique, inconnue jusque-là et on disait de moi que j’étais deux fois folle. »
Le premier club fondé par elle compta parmi ses membres des personnalités hors du commun, comme Thérèse Bertrand – Fontaine, première femme médecin des hôpitaux, Cécile Brunschwig, première femme secrétaire d’Etat, Maître Yvonne Netter et Maître Marcelle Kraemer – Bach à qui on doit les modifications du code matrimonial et beaucoup d’autres.
Suzanne Noël est morte en 1954. Elle est enterrée au cimetière Montmartre à Paris.